11 Mars 2024
Dans l’obscurité d’une nuit d’été sans lune, je ne parviens pas à m’endormir. Une peur enfantine remonte en moi et avec elle de douloureux souvenirs. Couchée dans mon lit, mon chat Réglisse à mes côtés, je me cachais sous les draps pour échapper à une attaque soudaine d’un ennemi invisible. À défaut de voir, j’entendais la voix de ma mère crier après mon père qui, trop ivre, ne répliquait pas. L’angoisse m’envahissait. Une de leurs disputes finirait par un drame.
Aujourd’hui, je ne me protège plus du noir, je l’aime, je vais à sa rencontre. Je me lève, me dirige vers la fenêtre. Ce soir, j’ai beau scruter la pénombre, c’est le néant, les ténèbres les plus profondes. J’imagine que j’ai perdu la vue. J’exulte de pouvoir éveiller toutes mes autres sensations. Sous la tiède brise qui caresse mon visage, mes cheveux volettent. J’entends le mugissement des flots océaniques qui se brisent à l’horizon sur les rochers de la côte sauvage. J’inspire à pleins poumons le parfum iodé de l’air qui me sort de ma torpeur nocturne. Un chien aboie au loin, ce qui a dû effrayer mon minou tango qui rentre de sa baguenaude du soir. Les chats voient très bien la nuit. Il saute sur le rebord de la baie vitrée, se frotte sur mon torse en ronronnant de plaisir. Je le prends dans mes bras, referme la fenêtre. Je me couche sur mon lit. Il vient s’installer sur mes pieds et y restera jusqu’au lendemain matin. Je m’endors apaisée. J’aime l’obscurité totale, celle qui, en nous rendant aveugles, aiguise tous nos autres sens qui s’étaient assoupis.
Martine Martin / Pour le défi 290 des croqueurs de mots animé par Colette